interview
Mohamed Najib Boulif
Ministre délégué chargé des Affaires générales et de la Gouvernance
“La libéralisation des prix se fera à moyen terme”
Le gouvernement Benkirane va
décompenser progressivement toutes les filières des produits
subventionnés. La libéralisation sera totale. Des études sont encore en
cours.
Challenge. Des éléments de la réforme de la compensation sont disponibles. Quels en sont les grands axes?
Mohamed Najib Boulif.
Effectivement, après avoir fait le diagnostic du système de
compensation, nous avons arrêté une feuille de route claire dont
l’objectif final est la libéralisation des prix à moyen terme, de
manière progressive, et la mise en place des transferts monétaires
directs pour la classe défavorisée, ainsi que des mesures spécifiques
pour la classe moyenne limitrophe de la classe pauvre. Et ce,
parallèlement aux autres composantes sociales du travail gouvernemental
(Tayssir, RAMED, INDH…). Mais avant d’atteindre cet objectif, le
processus de réforme portera sur la minimisation de la charge de
compensation en procédant à une optimisation des structures des prix et à
une réorganisation des filières compensées afin de les préparer à la
libéralisation.
C. Comment allez-vous réviser la structure des prix?
M.N.B. Nous comptons actualiser certaines composantes et réduire le coût pour l’Etat.
C. Et qu’en est-il de la réorganisation des filières ?
M.N.B.
La feuille de route de la réforme comprend une restructuration des
filières compensées afin de les préparer à la libéralisation totale.
Chaque filière a ses caractéristiques et, donc, les restructurations
différeront d’une filière à l’autre. L’essentiel, c’est de créer les
conditions propices à une concurrence, saine et loyale entre les
différents opérateurs, et de permettre de lever les dysfonctionnements
existants actuellement.
C. Comment le contrôle se fera-t-il?
M.N.B.
Actuellement, nous sommes en train de faire l’évaluation du système de
contrôle instauré il y a trois années. Notre vision future porte sur la
nécessité de s’assurer que les produits compensés arrivent aux
bénéficiaires réels en quantités, aux prix et aux normes de qualité
réglementaires.
C. Concernant le ciblage des consommateurs, vous envisagez d’octroyer des aides directes. Sur quels critères?
M.N.B.
Pour le ciblage des populations qui seront éligibles aux transferts
monétaires directs, il y a plusieurs méthodes que nous sommes en train
de prospecter. Pour cela, nous sommes en train d’étudier des expériences
internationales en la matière dans une vingtaine de pays, et aussi les
expériences locales de Tayssir, RAMED et l’INDH et ce, pour asseoir un
modèle de transfert adapté au cas de notre pays. A ce jour, une étude
d’impact sera lancée pour simuler l’effet des décisions à prendre sur
l’ensemble des composantes et des acteurs du système.
C. A combien estimez-vous cette population?
M.N.B.
Le nombre n’est pas encore arrêté. Nous attendons les résultats des
travaux en cours. Mais à titre de rappel, les données relatives au
recensement général de 2004 sont dépassées et les enquêtes de 2006/2007
peuvent nous donner une première vision approximative. La cartographie
de la pauvreté doit être mise à jour et la population du RAMED peut nous
aider dans ce sens.
C. A combien s’élèveront ces aides? Qui se chargera de les distribuer ?
M.N.B.
Le montant du soutien dépendra des niveaux de la compensation par
produit et des impacts éventuels de la libéralisation des prix sur les
autres produits et services de large consommation. Concernant sa
distribution, elle se fera auprès des organismes les plus présents à
l’échelle territoriale. Ces deux points font actuellement l’objet
d’intenses recherches pour trouver les structures adéquates.
C. Le ciblage devra-t-il concerner aussi les professionnels ?
M.N.B.
Le ciblage actuel a pour objectif les ménages. Il se fera au niveau
«national «, en fonction des données « provinciales ». L’étude d’impact
de la décompensation sur les secteurs les plus vulnérables nous
permettra par la suite d’affiner notre démarche.
C. Vous avez décidé d’augmenter les prix à la pompe. Serait-il envisageable que vous touchiez aussi au gaz ?
M.N.B.
Il n’est pas dans l’intention du gouvernement de revoir le prix du gaz à
court terme. Toutefois, nous avons ouvert le dialogue avec les
professionnels de cette filière afin d’ examiner les problèmes et
trouver les solutions adéquates. Je rappelle que l’esprit de la
décompensation est la libéralisation des prix.
C. Et pour le sucre ?
M.N.B. La
filière sucrière est aussi concernée par la restructuration, mais le
dialogue avec les responsables et les acteurs est un préalable à toute
réforme. C’est pour cela que la question est ouverte et que nous ne
pouvons avancer plus de précision.